Interview : Bruny Surin – Du 100 mètres à l’entrepreneuriat : « Je suis un sprinter, j’aime que les choses aillent vite »


 

Bruny Surin est une personnalité écoutée au-delà du monde du sport au Québec et au Canada. En France, l’homme est bien connu des spécialistes de l’athlétisme. Champion Olympique avec le relais 4X100 mètres canadien sur les terres américaines aux JO d’Atlanta 1996, Bruny Surin est également double champion du monde sur 60 mètres et détenteur du 8ème meilleur chrono de l’histoire du 100 mètres avec 9 secondes 84.

Au travers de cette interview, Bruny Surin nous parle de la gestion de son après-carrière ainsi que de son actualité débordante d’homme d’affaires !

SportBuzzBusiness.fr : Avant de te retirer des pistes en 2002, est-ce que tu pensais déjà à ton après-carrière ?

Bruny Surin : 2 ans avant ma retraite d’athlète, je commençais à préparer l’après, à mettre sur papier les choses qui m’intéressaient vraiment et les choses qui m’intéressaient moins. Je ne voulais pas terminer ma carrière et me retrouver à me dire « qu’est-ce que je vais faire maintenant ». Dès que j’ai pris ma retraite sportive, j’étais prêt psychologiquement à passer de l’autre côté. Pourquoi j’ai commencé à y réfléchir 2 ans avant ? J’ai entendu tellement de témoignages  d’athlètes qui n’avaient pas préparé leur après carrière… C’est là qu’on tombe dans le piège de la dépression. Je touche du bois, je ne connais pas ça, je m’y suis préparé à l’avance. On voit encore beaucoup d’anciens athlètes se demander ce qu’ils vont faire. Ils sont un peu dans l’inconnu. Mal préparé avant la fin de leur carrière, un athlète risque de tomber.

 

SBB : Qu’est-ce que tu as fait tout de suite après la fin de ta carrière ?
BS : J’ai voulu rester dans l’entrainement, j’ai fait du personal training. A côté, j’ai commencé à développer une ligne de vêtements tranquillement et une ligne de suppléments alimentaires (Xistence Suppléments) qui n’existe plus aujourd’hui.

SBB : Quelles sont tes activités aujourd’hui ?
BS : Aujourd’hui, la ligne de vêtements SURIN marche bien et occupe la majeure partie de mon temps ! A côté, je donne des conférences, je fais le taxi pour mes filles (rires), et je m’occupe de Sprint Management, société de représentation d’athlètes. Je continue également à faire un peu de personal training au cas par cas. J’ai également ma Fondation qui sert à l’avancement de l’éducation en attribuant des bourses d’études aux étudiants du secondaire ou post-secondaire et en donnant des conférences sur l’importance de s’alimenter sainement.

Bruny Surin entouré des ambassadeurs de la marque SURIN : Etienne Boulay (Football Canadien) et Annie Pelletier (plongeon)

SBB : Peux tu nous parler de Sprint Management ?

BS : Je suis le président mais le travail quotidien est assuré par Kris Mychasiw. Voici la liste de nos athlètes qui participeront aux JO de Londres : Luguelin Santos, Tremaine Harris, Jared Connaughton, Phylicia George, Nikkita Holder, Justyn Warner, Alex Genest, Samyr Laine, Keri-Ann Mitchell, Crystal Emmanuel, Hilary Stellingwerff, Ayana Andersen, Eric Gillis. Priscilla Lopes-Schliep (médaille de bronze canadienne aux JO de Pékin 2008 sur 100m haies) ne sera malheureusement pas de la partie. Nous nous occupons également de Donovan Bailey (champion olympique du 100m en 1996) qui sera présent à Londres pour la chaine de télévision CTV.

Pour revenir à notre métier, nous souhaitons nous différencier grâce à la relation que nous entretenons avec nos athlètes.  On ne prend pas les athlètes juste pour le business pour les jeter après. Il y a un suivi avant, pendant et après. Nous nous occupons ainsi de la logistique, des billets d’avions etc… Nos athlètes peuvent compter sur nous n’importe quant et n’importe où ! Nous communiquons beaucoup, c’est essentiel. Billet d’avion, prochaine compétition, l’athlète n’a pas à se casser la tête, tout est réglé d’avance.

SBB : Pendant ta carrière d’athlète, as-tu connu des petits soucis logistiques ?
BS : Il m’est arrivé plusieurs fois pendant les compétitions de ne pas être entouré de mon manager. A l’échauffement, si quelque chose n’allait pas… Ce n’était pas plaisant. Si je me blessais… après la compétition je ne le voyais pas… Il faillait que je change mon billet d’avion. Pour revenir au Canada, c’était moi qui m’en occupais… Avec Sprint Management on veut que l’athlète ne se casse pas la tête avec ce genre de détails. La confiance est très importante entre l’athlète et son agent. Les athlètes ne sont pas juste des numéros. L’athlète est important pour nous ! Trop souvent dans le sport business, les athlètes sont des numéros. On t’enregistre dans le meeting, on prend l’argent avec le pourcentage et après on ne te connait plus. Chez Sprint Management, on privilégie le suivi avec les athlètes.

SBB : Peux-tu nous parler de ton passage à la tête de la Fédération Québecoise d’athlétisme ?
BS : J’ai fait un mandat (2009-2011) et après j’ai arrêté. Je suis un sprinter, j’aime que les choses aillent vite, je suis très business aussi. Je pense que je voulais aller trop vite. Je donnerais un coup de main pour la publicité ou le Marketing si besoin, mais pour être président de la Fédération, je préfère laisser ça à quelqu’un d’autre.

SBB : Comment analyses-tu le sport business en athlétisme ?
BS : Les Tops athlètes comme Usain Bolt ou Asafa Powell font plus d’argents qu’à notre époque. Si on parle d’une manière générale, dans mon temps, c’était plus avantageux pour l’ensemble des athlètes, Il y a avait des  « apparences », les athlètes réclamaient 500, 1000, 5 0000$… Il y avait à manger pratiquement pour tout le monde. Aujourd’hui les « Tops » prennent beaucoup plus. Les athlètes qui sont dans la moyenne, c’est plus difficile. Lors de certains meetings, des athlètes perdent même de l’argent. Le billet d’avion n’est pas pris en charge à 100% et si ils ne performent pas sur la piste, ils ne touchent pas de primes. En Diamond League, les organisateurs vont dire aux athlètes moyens : Je n’ai pas forcément besoin de toi, j’ai Bolt pour remplir le stade, si tu viens tu viens gratos, sinon j’en prends un autre. L’athlète qui a besoin de cette compétition et de points et un peu pris au piège….

SBB : Un champion Bankable c’est quoi ?
BS : Il faut qu’il ait du Charisme ! Un athlète peut être un champion sur la piste. Ok, il va faire de l’argent, il va bien vivre… Usain Bolt offre une performance et un spectacle. Les gens aiment ça, les sponsors aiment ça. Il va faire beaucoup plus d’argent avec ça. Si vous avez un athlète qui ne parle pas, qui ne fait pas le spectacle, il ne fera jamais autant d’argent. C’est comme un gros plus ! Les médias vont également adorer les athlètes qui font le spectacle et donneront également plus.

SBB : Que penses-tu de Christophe Lemaitre ?
BS : Je l’ai vu à 3-4 reprises dans des meetings. Je le trouve intéressant, il y a une histoire, c’est le 1er blanc à courir en dessous des 10 secondes. Lemaitre est beau à voir courir. En dehors de ça, en entrevue, il est comme il est. Il peut être encore plus démonstratif et renvoyer plus de charisme. Il a un côté réservé, qui lui va aussi. Si il était démonstratif, c’est sûr, ça lui servirait sûrement pour le business.

Bruny Surin et Christophe Lemaitre à Stuttgart en 2011

 

SBB : En France, le livre « Pourquoi les blancs courent moins vite » sorti il y a quelques mois a remis dans la lumière le débat de la couleur de peau dans le sport.
BS : Je pense que c’est dans la tête, c’est culturel. Avant Lemaitre, les gens se demandaient qui serait le premier blanc à courir en dessous des 10 secondes. En général, il y a plus de blacks qui vont courir le 100 mètres, il y a plus de blacks qui vont être attirés par le 100m et l’athlétisme contrairement à d’autres sports. Je pense que c’est culturel.

SBB : Les fans d’athlétisme ont-ils une chance de te croiser à Londres ?
BS : Yes ! Je serais avec l’équipe de Télévisions RDS et je ferais des chroniques avec Yahoo Québec / Canada. Avec RDS, ce sera pratiquement tous les jours et Yahoo ce sera plus ponctuellement.

SBB : Tu a deux filles, Kimberly Ann et Katherine qui aspirent à devenir, elles aussi, des athlètes de haut-niveau.
BS : Kimberly-Ann (qui fête ses 18 ans aujourd’hui) joue au tennis et va partir aux USA. Elle a obtenu une bourse à l’Université de l’Arkansas. Katherine a stoppé le tennis, elle a commencé l’athlétisme et s’entraine sur 100m 200m 100m haies. Elle veut suivre sa sœur et obtenir une bourse d’études aux USA en athlétisme.

année 2010

 

SBB : Comment tes filles ont commencé le sport ?
BS : Quand elles étaient plus petites, je les ai mises au soccer puis une fois par semaine au tennis. Ce sont-elles qui ont demandé à faire plus de tennis et elles ont arrêté le soccer. La plus grande m’a dit un jour qu’elle voulait devenir professionnelle. Je l’aide à construire son puzzle. Pour mes deux filles, je suis là pour supporter, c’est leurs décisions !

SBB : Es-tu connecté sur les Réseaux sociaux ?
BS : J’ai effectivement une page Facebook qui rassemble mes actualités et un compte twitter (@BrunySurin)

 

SBB : As-tu déjà travaillé pour un média sportif français ?
BS : Non, je n’ai jamais été approché par un média français. J’aurai aimé. Je ne ferme pas la porte !

SBB : Tu joues également dans le film « Croix des bouquets ».
BS : Le film sortira l’année prochaine ! La Télévision et le cinéma, ça m’intéresse, j’aime ça !

SBB : Bruny Surin, futur Georges Clooney ?
BS : Georges Clooney Haitien ! (rires)

SBB : Un dernier mot ?
BS : Bonne chance aux athlètes canadiens et aux cousins français pour les JO !

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