Producteur d’événements depuis plus de trente ans, David Rothschild est l’une des figures les plus singulières et influentes du spectacle sportif en France. Entre e-sport, WWE, K-pop, sports de combat et même l’arrivée historique du sumo à Paris, il a signé en 2025 l’une des années les plus intenses de sa carrière. Pour Sport Buzz Business, il revient sur les coulisses de ces projets majeurs, sur l’évolution du marché français et sur la place croissante des communautés dans la réussite des événements sportifs et culturels.
SBB : Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter et décrire votre métier de producteur d’événements indépendant ?
David Rothschild : Je m’appelle David Rothschild, je suis producteur d’événements depuis très longtemps. J’ai commencé dans le spectacle au début des années 90, et je produis mes propres événements depuis 2007, tout en travaillant pour d’autres sociétés.
Je suis spécialisé dans les sports de combat, le sport entertainment et les shows asiatiques. J’ai été l’un des premiers à faire de la K-pop et de la J-pop en France, et j’ai développé tout ce qui touche aux sports de combat : la WWE, Hexagone MMA, et désormais le sumo.
« 2025 est probablement l’une de mes plus grosses années, autant en business qu’en accomplissement personnel. »
SBB : Vous avez été parmi les précurseurs de la K-pop en France. Quand avez-vous organisé votre premier événement ?
David Rothschild : Mon premier événement K-pop remonte à 2012, à Bercy, avec le festival Music Bank.
SBB : Vous travaillez régulièrement avec AEG Presents. Pouvez-vous présenter cette société et la manière dont vous collaborez avec eux ?
David Rothschild : AEG est l’une des plus grosses sociétés d’événements sportifs et culturels au monde. Ils possèdent des salles, des franchises sportives, et produisent des tournées comme Taylor Swift, les Rolling Stones ou Céline Dion.
Je connais leurs équipes depuis longtemps. Mon fonctionnement, c’est de développer des événements de niche, puis de m’appuyer sur de grandes structures comme AEG pour tout le back-office (billetterie, marketing, administration).
Cela me permet d’être agile dans la production tout en bénéficiant d’une organisation solide.
SBB : Votre activité implique de changer régulièrement de partenaires et de clients. Comment gérez-vous cette instabilité ?
David Rothschild : Ça change tout le temps, évidemment. Mais avec AEG, j’ai trouvé une stabilité et une confiance fortes. On se met d’accord en amont, puis je suis libre sur la gestion.
Il m’arrive aussi de gérer leurs propres événements : Taylor Swift en France, Blackpink, Ed Sheeran… Il y a un vrai partage entre nous.
« À Lyon, nous avons vendu 50 000 billets en deux heures. Les chiffres ont surpris tout le monde. »

L’e-sport : une année record
SBB : Vous avez produit le Fortnite Global Championship et le Rocket League World Championship à la LDLC Arena de Lyon. Pouvez-vous revenir sur ces deux événements ?
David Rothschild : Ces événements appartiennent à BLAST, l’un des grands acteurs mondiaux de l’e-sport. AEG produisait la partie française, nous étions là pour les accompagner.
C’était colossal : 50 000 billets vendus en deux heures, deux LDLC Arena pour Fortnite, trois pour Rocket League, avec une jauge de 11 000 spectateurs par jour.
BLAST cherchait un producteur capable de s’investir pleinement dans des projets atypiques. Comme je travaille sur des événements de niche, j’essaie de ne pas multiplier les projets pour bien les mener à terme.
Ce sont des productions très lourdes : 3 à 4 jours de montage, un jour de démontage, plus les jours d’exploitation.
« Les équipes d’e-sport ont une vraie préparation : mentale, physique, diététique. Il y a une dimension sportive réelle. »
SBB : Un nouvel événement arrive, le Rocket League Major 2 à Paris La Défense Arena. Vous serez impliqué ?
David Rothschild : Oui. Le succès de Lyon a naturellement mené à une collaboration plus régulière avec BLAST en France.
La Défense Arena permettra de passer dans une autre dimension : on travaille sur une capacité entre deux et trois fois celle de Lyon. La configuration est très différente, avec un parterre de rugby, un véritable stade couvert.
Le travail d’implantation, de production et d’expérience spectateur est totalement repensé.
SBB : Selon vous, l’e-sport a-t-il vocation à devenir une discipline olympique à part entière ?
David Rothschild : C’est difficile à prédire, mais il faut reconnaître la dimension sportive. Les équipes sont très structurées, avec préparateurs mentaux, préparateurs physiques, travail de diététique.
Ce n’est pas un sport “physique” au sens traditionnel, mais la préparation est réelle. On peut comparer à des disciplines comme le tir à l’arc, où la dimension mentale est centrale.
Pour moi, en termes de préparation et de structuration, l’e-sport est un sport et a sa place.
WWE : une relation historique et une année exceptionnelle
SBB : Le 31 août, la WWE était à Paris La Défense Arena pour Clash in Paris, suivi de Monday Night Raw. Quel a été votre rôle sur ces événements ?
David Rothschild : Je travaille avec la WWE depuis 2007. Il y a une vraie confiance dans la durée.
Arriver à produire un Premium Live Event et un show télé en France a demandé près de 17–18 ans d’évolution : nouvelles salles, développement des réseaux sociaux, du streaming, changement de stratégie internationale…Clash in Paris et Raw sont le résultat de ce long travail.
« Le point de bascule, ça a été Lyon en 2024. Le public a marqué la WWE autant que le show. »

SBB : Vous avez longtemps produit des house shows. Le passage aux shows télévisés a-t-il été complexe ?
David Rothschild : Le point de bascule, c’est Lyon en 2024.
On a battu les records de recettes de la LDLC Arena, et le public français a profondément marqué la WWE.
Les talents ont beaucoup parlé de ces shows. Le public a été aussi important que ce qui se passait sur le ring.
Ça a débloqué énormément de choses dans la vision de la WWE pour le marché français.
SBB : Vous aviez pourtant senti depuis longtemps qu’un Premium Live Event était possible en France. Depuis quand ?
David Rothschild : Dès 2008–2009, avec les doubles Bercy. Les équipes me disaient que la salle était parfaite pour un show télé.
Mais à l’époque, seuls Londres et quelques marchés spécifiques avaient ce type d’événements. La France n’était pas perçue comme prioritaire.
Il a fallu attendre de nouveaux modes de diffusion, la montée des réseaux sociaux, et la création de nouvelles arénas comme la LDLC Arena pour rendre cela possible.
SBB : Peut-on espérer un nouveau grand événement WWE en France en 2026 ou 2027 ?
David Rothschild : Il est trop tôt pour l’annoncer.
En revanche, le marché français est désormais pris très au sérieux. Faire plus de 50 000 personnes en deux jours, sur un 31 août et un 1er septembre, avec des records de recettes, ça a marqué les esprits.
SBB : Comment avez-vous vécu ces chiffres exceptionnels ?
David Rothschild : J’étais confiant sur le potentiel, mais inquiet sur les dates. Finalement, on a dépassé toutes les attentes.
On a probablement réalisé l’un des plus gros Monday Night Raw de l’histoire en termes d’affluence, plus de 30 000 personnes pour Clash in Paris, et le record de recettes de Paris La Défense Arena. C’était considérable.
SBB : Un WrestleMania en France, est-ce réaliste un jour ?
David Rothschild : Avant de parler de WrestleMania, il faut d’abord enchaîner des PLE majeurs comme Money in the Bank.
WrestleMania, c’est une autre échelle, une autre logique. Rien n’est impossible, mais il faut respecter les étapes.
« J’ai contacté la Japan Sumo Association il y a dix ans, sans réponse. Ils m’ont recontacté dix ans plus tard. »
Le sumo : un projet de 30 ans
SBB : En juin prochain, vous produirez un tournoi de sumo à l’Accor Arena. Comment ce projet est-il né ?
David Rothschild : J’avais assisté au tournoi de sumo à Bercy en 1995, organisé à l’époque par Jacques Chirac. L’événement m’avait marqué personnellement et culturellement.
Je me suis rendu compte que mes deux grandes spécialités (spectacles asiatiques et sports de combat) venaient probablement de ce moment-là, qui faisait le lien entre les deux.
Il y a une dizaine d’années, j’ai contacté la Japan Sumo Association pour les faire revenir en France. Je n’ai pas eu de réponse pendant dix ans.
Puis ils m’ont recontacté deux ans et demi ou trois ans en arrière en me disant : “On est prêts, est-ce que ça vous dit ?”
Je suis allé les voir au Japon pendant le tournoi de Fukuoka, puis j’y suis retourné régulièrement tous les trois ou quatre mois.
Un an plus tard, ils m’ont dit : “C’est bon, on y va, tu peux confirmer la salle.”
Entre 1995, les premiers contacts il y a dix ans, puis l’accord final, c’est vraiment un projet de vie.
SBB : On a le sentiment que vous cherchez toujours des formats à la croisée des cultures et des disciplines. C’est volontaire ?
David Rothschild : Oui, complètement. Ce qui m’intéresse, ce sont les événements qui ne sont pas spontanément mis au premier plan pour le grand public. Le sumo en est un exemple parfait. C’est culturel, spectaculaire et très codifié. Ça correspond exactement à ce que j’aime produire.
SBB : Quel bilan tirez-vous de votre année 2025, notamment avec AEG ?
David Rothschild : C’est probablement l’une de mes plus grosses années en termes de business, mais aussi d’accomplissement personnel.
D’un côté, la WWE, avec laquelle je travaille depuis 2007, et le fait d’être passé du premier Zénith en 2007 à deux Paris La Défense Arena. Pour moi, c’est un accomplissement fort, presque historique.
De l’autre, le sumo, qui est clairement un projet d’une vie. Il m’a fallu 30 ans pour y arriver, c’est incroyable à vivre.
Et enfin, l’e-sport, même si ce n’est pas un univers qui m’intéresse personnellement à la base, m’a beaucoup appris sur la mécanique d’événements très spécifiques.
J’ai beaucoup grandi intellectuellement et professionnellement. Et j’ai la chance d’avoir AEG, qui suit mes projets les plus dingues.
SBB : Vous parlez souvent d’événements de niche. Pourquoi y accordez-vous autant d’importance ?
David Rothschild : Parce qu’ils créent, à mon sens, les émotions les plus fortes.
Ce qu’on a vécu à la Défense Arena avec 30 000 fans de catch qui chantent ensemble, sans aucun problème disciplinaire, dans une atmosphère bon enfant, c’est unique.
Ce sont des communautés qui peuvent enfin se retrouver sans jugement. C’est souvent plus fort que des événements grand public.
SBB : Avez-vous un événement rêvé que vous aimeriez produire dans le sport, le sport entertainment ou l’e-sport ?
David Rothschild : Oui, j’ai un projet sur lequel je travaille et qui est tout aussi fou que ce que j’ai déjà fait. Mais tant que ce n’est pas signé, je ne peux pas en parler.
SBB : Un dernier mot pour conclure ?
David Rothschild : J’ai la chance de pouvoir vivre des choses qui sortent vraiment de l’ordinaire. Si un jour on écrit quelque chose sur moi, j’aimerais qu’on dise : “Il faisait du catch, du sport, du sumo.” C’est déjà une belle vie.
L’échange avec David Rothschild a été enregistré par Charles Ride, journaliste pour le média VoxCatch. Vous pouvez également lire l’article sur VoxCatch : Clash in Paris, Backlash Lyon : Interview de David Rothschild, producteur des shows WWE en France