Lucas Pouille ouvre un nouveau chapitre : l’ex-top 10 mondial devient investisseur du groupe Magellan. Ce nouveau rôle qu’il découvre, son envie de rejouer sur le circuit professionnel, son expérience en tant que coach auprès de son pote Arthur Rinderknech, son après-carrière… Le Nordiste s’est livré, sans éluder aucun sujet, à Sport Buzz Business.
Lucas Pouille n’ajoute pas seulement une nouvelle ligne à son CV déjà bien fourni, il change de dimension. Après une année 2025 marquée par son nouveau rôle de coach, son travail de consultant et sa convalescence, l’ancien numéro 1 français fait une entrée remarquée dans le business en devenant actionnaire du groupe Magellan, distributeur européen de Prince.
Un choix loin d’être anodin pour le Français, qui a grandi avec les raquettes de la marque et souhaite désormais participer de l’intérieur à son renouveau. Implication stratégique, vision produit, marketing, avenir sportif et entrepreneurial… Lucas Pouille détaille pour nous les raisons et les ambitions derrière ce virage majeur.

Bonjour Lucas, je crois que vous avez une actu business à nous partager…
En effet, j’intègre le groupe Magellan en tant qu’investisseur. On s’est demandé comment je pouvais aider, notamment sur la partie Prince, alors que le groupe s’occupe de distribuer la marque en France et dans toute l’Europe.
Ça s’est fait facilement étant donné que j’ai une histoire un peu particulière avec Prince : j’ai joué avec ces raquettes depuis l’âge de 15 ans. J’ai connu un peu tous les hauts et les bas : quand ils ont fait la banqueroute en 2016, quand ils ont été rachetés par le groupe qui est propriétaire aujourd’hui, le groupe ABG. Après pas mal de discussions, on a estimé que le mieux c’était de rentrer au capital. C’est ce qui me parlait le plus.
Au lieu d’être un simple ambassadeur ou que ce soit pour moi un simple sponsor, j’avais vraiment envie d’être impliqué à 100%, de mettre toute mon énergie dedans, de pouvoir donner mon avis, d’essayer de faire bouger les choses tous ensemble, d’aller dans la même direction. Voilà pourquoi on a décidé que je rentre au capital de la société.
Vous allez donc jouer un double rôle, à la fois investisseur et ambassadeur ?
Exactement. Dans un premier temps, mon objectif, c’est vraiment de comprendre un peu l’envers du décor. Parce que moi, c’est vrai que j’ai toujours eu la place du sportif qui reçoit ses raquettes, qui les prépare, qui joue, qui fait du contenu pour les réseaux sociaux, des activations pour la marque.
Mais on ne se rend pas compte de tout ce qu’il y a derrière, tout le côté production, distribution, campagne de pub, marketing, tout ça… Pendant ces premières semaines, j’essaye de faire un overview de tout ça, de tout bien comprendre comment ça se passe et de commencer à réfléchir à des idées pour ramener la marque Prince où elle était il y a 10, 15, 20 ans, c’est-à-dire la marque numéro 1 du marché.
Comment abordez-vous ce nouveau rôle ? Est-ce qu’il y a un côté vertigineux ?
Non, je ne suis pas du tout inquiet, plutôt excité même. C’est hyper cool de faire quelque chose de différent, de mettre de l’énergie dans un nouveau projet. C’est quelque chose qui est malgré tout complètement différent du job de sportif de haut niveau.
Mais, je trouve que le monde de l’entrepreneuriat, du business et du sportif de haut niveau sont quand même très étroitement liés avec l’engagement, le dépassement et tous ces aspects qui mélangent.
Le fait de rentrer au capital, ça donne aussi une autre dimension. Parce que ça devient aussi ton projet, tu peux te l’approprier. Et ça, c’est cool.
2025 a été une année très riche pour vous. En plus de joueur de tennis et ambassadeur pour des marques, vous êtes devenu consultant, coach puis maintenant investisseur… C’est beaucoup de boulots en même temps.
C’est vrai que ça a été une année animée. Si on m’avait dit ça en fin d’année dernière, ou même début de l’année, avant l’Open d’Australie, que je serais coach à partir de juin, que j’allais être consultant pour Prime Video à Roland-Garros et que, en fin d’année, j’allais entrer au capital d’une société. Je ne pense pas que je l’aurais cru, mais c’est hyper cool, c’est plein de projets, hyper motivant, hyper intéressant. Ça permet aussi de voir pas mal de choses pour aussi l’après-carrière.
Vous évoquez votre expérience de consultant ? Est-ce que ça vous a plu ?
Oui, j’ai bien aimé l’expérience. C’était cool d’être consultant sur Prime Video. L’équipe était hypersympa. On parle vraiment d’un sujet que je connais par cœur. On peut donner son avis, on voit un peu tout ce qui se passe. Je connais aussi bien les insides, parce que quelques mois avant encore, j’étais dans le vestiaire. Je m’entraînais avec ces joueurs-là, je jouais avec eux.
Les interviews sur le court après les matchs, ça, c’était complètement différent. C’est un truc qui est très carré, très “timé”. J’étais avec une équipe super que je connaissais bien, mais c’était quelque chose beaucoup plus stressant. C’était de nouveaux automatismes à prendre. J’avais la boule au ventre avant de rentrer sur le court. C’est particulier quand tu te dis que tu es capable de jouer un match devant 27 000 personnes, mais que tu flippes quand tu dois poser trois questions devant du public. Tu prends un pic d’adrénaline.
Pour l’instant, je suis toujours joueur de tennis, mais si on me repropose d’être consultant, ça sera avec plaisir.
Justement, vous parlez du sportif. Vous avez toujours envie de jouer sur le circuit ?
Oui, toujours ! Je me suis fait opérer en février après une rupture du tendon d’Achille. Puis, fin mai, je me suis aussi fait opérer au poignet, c’est un problème que j’avais depuis de nombreux mois et qui ne faisait que s’aggraver. Depuis, c’est compliqué. Pour l’instant, je n’arrive pas à jouer normalement sans douleur. C’est cette gêne qui va déterminer si je peux rejouer ou pas, plus que mon envie. L’envie, je l’ai, même si je sais qu’il y aura de nombreux efforts à faire pour revenir après une période d’arrêt de quasiment un an.
Côté coaching, comment ça s’est passé avec Arthur Rinderknech ? Quel a été votre rôle finalement ?
Il est venu me voir pendant Roland-Garros, en m’expliquant qu’il n’avait plus de staff et qu’il avait pensé à moi. Il m’a dit qu’il pensait que je pouvais être la bonne personne pour l’aider.
On a commencé comme ça. Je suis allé à Stuttgart avec lui. On a fait tout le gazon jusqu’à après Wimbledon. Finalement, ça s’est plutôt bien goupillé. Tout s’est enchaîné très vite. Il a fait le quart aux Queens. Il a battu son premier top 10. Derrière, il bat son premier top 5 sur le central de Wim’. Il fait un troisième tour en Grand Chelem, derrière une deuxième semaine à l’US Open et puis la finale en Masters 1000 (à Shanghaï contre son cousin Valentin Vacherot, ndlr). Il est même monté de la 80e à la 27e place mondiale.
Il m’a fallu un temps d’adaptation, mais j’adore parler de performance, de haut niveau, de tennis. Là, ça a regroupé tout ça. J’ai essayé de trouver les mots, de le mettre dans les meilleures conditions possibles, de ne pas oublier ce que c’est d’être joueur : tous ces moments de tension, d’agacement, de frustration, de doutes qu’on peut avoir aussi.
Avoir joué ce rôle de coach, est-ce que ça peut vous servir en tant que joueur ?
Oui, c’est certain ! En tant que coach, on a beaucoup de temps. Quand on ne s’entraîne pas les journées sont vides, donc il y a beaucoup de discussions, notamment avec d’autres coachs. On se disait que ça pourrait être super intéressant, lorsqu’un jeune joueur de 16/17 ans se blesse, qu’on le mette sur le court avec d’autres jeunes et qu’il prenne du recul, qu’il voie les choses différemment. Ça permet, je pense, d’avoir une autre manière d’aborder les matchs, d’aborder les moments importants, de les comprendre.
Du coup, je pense que ça peut vraiment être bénéfique quand tu joues, quand tu es sur le terrain, pour ton approche et ta vision globale du sport de haut niveau.
Côté sponsoring, quelles sont les marques qui vous accompagnent aujourd’hui ?
Je travaille toujours avec Celio sur le plan vestimentaire. Côté raquette, je suis désormais ambassadeur et investisseur du groupe Magellan donc je n’ai pas de contrat direct avec Prince, mais je joue avec des raquettes Prince.
Comment ça se passe pour une marque qui sponsorise un tennisman qui ne joue plus ?
En effet, ça change pas mal de choses. Pour le coup, Celio a été extrêmement fair (loyal en français, ndlr) avec moi. On parle là de gens honnêtes et de confiance. Ils m’ont soutenu immédiatement. Parce qu’il faut savoir que dans tous les contrats quasiment, il y a ce qu’on appelle des malus et des obligations. C’est un certain nombre de tournois qui doivent être joués dans l’année pour qu’on soit payé. On doit aussi conserver un certain classement.
Moi, je me suis blessé au troisième tournoi de l’année. Donc, ils auraient pu me dire : “Écoute, désolé, là ça ne va pas le faire.” Au contraire, ils m’ont supporté du début de la blessure jusqu’à maintenant. Je reste en contact avec Sébastien Bismuth (PDG de Celio, ndlr). Ça se passe super bien.
L’idée, c’est de continuer et d’essayer de créer des projets autour de moi, autour de la marque pour avancer ensemble.
Vous êtes toujours officiellement joueur de tennis, mais la retraite se rapproche. Comment voyez-vous votre après-carrière ?
C’est une bonne question parce que c’est très dur de se projeter tant qu’on n’a pas arrêté. C’est pour ça que je me dis que c’est sympa d’avoir, cette année, mis le pied dans pas mal de milieux différents. Ça permet de faire un tour d’horizon complet de tout ce qui peut se faire, même s’il y a encore beaucoup d’autres choses. Ça permet de voir et de se donner des idées, mais de se dire : “Qu’est-ce que je fais 4 ou 5 ans ?” C’est un peu dur. Coacher, je ne sais pas, je n’y avais jamais pensé. C’est l’opportunité qui s’est présentée.
Mon histoire avec le groupe Magellan, c’est pareil. C’est une opportunité qui est arrivée. À voir dans quelques années où j’en serai et les opportunités qui se présenteront. Mais, l’idée d’être investisseur, actionnaire, ambassadeur, je trouve ça super. Je pense que quand on a vécu toute sa vie avec des objectifs de résultats, de s’arrêter du jour au lendemain et ne plus avoir d’objectifs, c’est compliqué.
Beaucoup d’anciens sportifs investissent dans l’innovation et les startups, est-ce que c’est un milieu qui vous intéresse ?
Oui, c’est quelque chose que j’ai fait et que je fais encore. J’ai notamment des rendez-vous la semaine prochaine pour ça également. Après, quand on parle d’investissement, on investit un peu d’argent, on attend et on voit. Ce que j’aimerais dans le futur, si j’investis de l’argent, c’est aussi d’être impliqué pour mettre son énergie, pouvoir donner ses idées, écouter… Participer à des réunions, savoir de quoi on parle, dans quelle direction on va, ça c’est hyper intéressant, c’est excitant. Il a ce côté adrénaline et objectifs.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter de très concret pour l’année prochaine ?
Beaucoup de choses. La première, je vais penser à moi, mon poignet, ma santé, en espérant que ça aille. Et puis qu’Arthur ait les meilleurs résultats possibles. On continue notre collaboration sur les premiers mois de l’année. On va partir à Dubaï pour s’entraîner la-bas. On va enchaîner avec l’Australie. On verra en fonction de comment je vais.
Et puis, j’espère évidemment que l’aventure avec le groupe Magellan et Prince sera fleurissante et que ça progresse comme on en a envie.
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