Joseph Bizard (OC Sport) : « Nous ne sommes plus un groupe majoritairement de voile »

Joseph Bizard est le directeur général de l'agence OC Sport. Il y est entré en 2015 en tant que responsable du sponsoring.

Joseph Bizard vient de fêter son dixième anniversaire chez OC Sport, filiale événementielle du groupe Télégramme, implantée à Lorient, Lausanne et Nantes. Recruté en tant que responsable du sponsoring, il est aujourd’hui directeur général des activités et encadre 80 salariés. Pour Sport Buzz Business, il décrypte le développement des activités outdoor et la place de la RSE autour de ces événements sportifs. Un engagement historique pour OC Sport et même réclamé par les pratiquants.

Sport Buzz Business : Décembre 2015-décembre 2025, au moment de notre échange, cela signifie que vous avez intégré OC Sport il y a longtemps…

Joseph Bizard : Ça fait 10 ans tout pile. Je ne sais pas si c’est long, en tout cas c’est suffisant pour avoir connu pas mal d’évolutions de la société, de l’entreprise et pour avoir connu plusieurs métiers dans ce groupe qui aujourd’hui m’ont amené à le diriger. Je suis rentré en tant que « Business developer » dans l’entité Voile du groupe, qui gère les grandes courses au large. Ensuite, j’ai pris la direction du développement puis j’ai pris la direction de la partie Voile, donc la direction de toutes les activités de cet univers. Et puis, il y a un an et demi, j’ai pris la direction générale du groupe.

Vous étiez il y a quelques jours dans le Top 100 Choiseul qui recense les jeunes décideurs du sport business. Vous vous y attendiez ? C’est flatteur ou ça n’a pas forcément de sens et d’importance ?

C’est la cinquième année.  Je le dis ça parce que du coup, ça ne me rajeunit pas. Et ce sera malheureusement la dernière année puisque je viens d’avoir mes 40 ans. Je crois que l’Institut Choiseul est un bel institut, qui a une image extrêmement, de mon point de vue, très prestigieuse.

Ils ont souhaité faire un classement sport et business, ce qui veut dire que le business du sport est une économie qui compte. Pour l’entreprise, je trouve que c’est un beau clin d’œil parce que pendant de nombreuses années, on a été considéré comme les Bretons qui faisaient des courses au large en Bretagne et à Lorient, ce qui n’est pas le cas factuellement puisqu’on est aussi bien en Suisse que dans le grand Ouest. 

Nous avons fait beaucoup de travail pour en arriver là. Je suis hyper content que l’Institut reconnaisse notre travail. Et puis, à titre perso, c’est toujours sympa d’être reconnu si on a pu contribuer un peu au développement d’une boîte et d’être à côté des petits copains qui travaillent avec nous depuis 10 ans sur ce métier.

La voile, c’est l’ADN du groupe, votre premier univers sportif ?

C’était mon univers de passion parce que je la pratique depuis très longtemps et je faisais de la course au large. Du coup, j’avais eu envie un jour de réunir ma passion et mon boulot. C’est pour ça que je suis rentré dans la partie voile.

Effectivement, c’est la partie historique du groupe, puisqu’OC Sport est le fruit de la fusion entre la société Pendwick d’Eric Tabarly, qui a été rachetée par le groupe Telegram en 2004. Et puis ensuite, la société Offshore Challenges, O.C, qui avait été créée par Ellen MacArthur. Les deux groupes ont été fusionnés et ça a fait O.C. Sport. Effectivement, on a dans notre ADN le fait d’être une entreprise qui crée des événements de course au large.

Mais maintenant, avec le développement de notre activité, la diversification qu’on a opérée depuis une dizaine d’années, la voile est une partie équitable de notre activité, avec les sports d’endurance de type triathlon, course à pied, vélo. Nous ne sommes plus un groupe majoritairement de voile, on est maintenant quasiment majoritairement un groupe d’événements d’endurance et de courses à pied.

Le Tour de Belle Ile fait partie des courses de voile portées par OC Sport. S’ajoutent les prestigieuses Route du Rhum ou La Solitaire du Figaro Paprec. Crédit photo : Matthieu Rivrin.

Les événements hors voile, justement, c’est plutôt pour une nouvelle cible grand public ?

C’est deux modèles. Il y a quand même un tronc commun, qui est que chez O.C., on a un ADN qui n’est pas artificiel. Je le dis parce que beaucoup de boîtes vont le chercher. Nous, parce qu’on a été créé par des navigateurs et des aventuriers, on a, dans notre ADN, l’idée qu’on fait des événements dans la nature, dans des grands espaces, si possible dans des espaces qui sont parfois de la nature un peu brute comme les océans, par exemple. Et donc, on a toujours fait notre développement autour de cet axe-là et qu’il fallait respecter cet environnement. Aujourd’hui, on a six événements dans notre portefeuille. Nous sommes les gros faiseurs de courses au large.

En parallèle, on a développé notre activité dans la partie outdoor endurance où nous comptons 15 événements dans notre portefeuille et qui sont majoritairement des événements qui se passent soit dans les montagnes, soit autour des lacs, soit au bord de la mer, comme c’est le cas du marathon de la Côte d’Amour qui est sur la côte de Guérande, soit dans des environnements un peu plus atypiques comme peut l’être le triathlon d’Evian.

Le running semble avoir dépassé encore un nouveau palier en 2025. Toutes les villes ont, ou veulent, leur course. Vous partagez ce constat ?

Oui, il y a une dimension sport-santé et dépassement qui rentre en ligne de compte. Il y a tout un écosystème qui s’est créé autour de ça et qui permet de le rendre plus facile, plus ludique, plus social que ça ne l’était auparavant.  C‘est un sport qui répond à une attente du moment, peut-être ça a été accéléré par le Covid. Je pense qu’il y a aussi une dimension de partage qui auparavant n’existait pas dans la course à pied. Les gens veulent se réunir pour courir ensemble et se dépasser. On le voit émerger et on le voit nettement sur tous nos événements. Il y a aujourd’hui une croissance continue, très forte pour certains, du nombre de participants.

Il y a une question qui est, est-ce que ça va durer ? Et on est assez serein que parce qu’on voit que les pyramides des âges se rajeunissent. Ça veut dire qu’on est en train de capter des nouveaux publics qu’on n’avait pas auparavant et qui vont aller du coup se répartir sur toutes les disciplines. Et la deuxième, c’est comment est-ce qu’on fait pour gérer cette croissance ? Parce qu’il y a beaucoup d’événements. C’est assez facile aujourd’hui, dans les temps où tout va bien, d’ouvrir les portes en grand et d’avoir subitement des dizaines de milliers de participants. C’est un tout petit peu plus difficile de le faire intelligemment, de bien maîtriser les jauges, d’avoir une croissance qui soit raisonnée de façon à ce que ça n’abîme pas l’expérience des coureurs. 

Si tout le monde se met à faire des événements et que dans toutes les villes, il y a trois marathons, trois semis, les pouvoirs publics, les riverains, tous les gens qui font le territoire et qui sont là toute l’année, au bout d’un moment, ils vont en avoir marre. Cela génère quand même malgré tout pas mal de contraintes. Il faut être vigilant à ce que nos événements s’inscrivent dans une démarche de croissance durable.

Le Generali Genève Marathon est une des épreuves organisées par OC Sport. Crédit photo : Ben Becker.

Il y a quelques jours l’EcoTrail de Paris a annoncé Salomon comme namer. Qu’en est-il du naming de vos événements ? C’est une obligation ?

Aujourd’hui, on a Abalone sur le marathon de Nantes. On a nos amis de Amaris sur le marathon international de la Côte d’Amour. Generali sur le marathon de Genève. Tous ne sont pas aujourd’hui pourvus. On cherche par exemple encore un namer pour le triathlon d’Evian et le triathlon de Genève.

Oa besoin de ces partenaires pour pouvoir financer nos événements parce que nous sommes dans une logique de croissance durable. C’est-à-dire qu’on n’ouvre pas les vannes en grand sur les participants. On fait attention à ce que la croissance soit maîtrisée d’une année sur l’autre. Et donc, on a besoin de se financer. Et notre sport reste un sport sur lequel il n’y a pas de droits télé. Je parle de la course à pied, mais c’est valable encore plus pour la partie voile. Notre moyen de nous développer et de financer notre activité, c’est le sponsoring en partie.

Que représente un namer dans vos recettes ?

Le sponsoring sur les événements d’outdoor, c’est entre 10 et 20 %. Les grands sports sont des sports sur lesquels leurs budgets sont construits sur plein de sources de revenus différentes. Ils ont beaucoup de merchandising, beaucoup de droits télé, pas mal de billetterie pour certains, du sponsoring, de l’aide des collectivités. Et c’est vrai que nous, on est sur des sports d’endurance outdoor qui sont sur la voile très précaires de ce point de vue-là puisqu’ils n’ont ni droits télé, ni billetterie. C’est-à-dire que leur mode de financement, c’est un mode de financement exclusivement par le sponsoring et par l’investissement des collectivités publiques.

Les médailles en bois, les Ecocup… Il y a d’autres exemples d’actions RSE mises en places sur les courses. Est ce qu’il y a des abus, des effets de communication ? Ou une vraie croyance chez les organisateurs ?

Je suis convaincu que chaque petite action entretien un mouvement général qui nous emmène dans la bonne direction. Il ne faut pas stigmatiser l’effet colibri. Chacun a sa part à faire et qu’elle soit petite ou qu’elle soit structurante ou stratégique, ça reste quand même, malgré tout, des initiatives positives donc il faut le saluer.

Soit vous rentrez par la communication. Et donc qu’est-ce qu’on fait dans ces cas-là ? On change tout ce qui est périphérique et ce qui n’est pas trop lourd. Donc en effet, ce qui peut paraître un petit peu tactique, les médailles, on peut éventuellement changer, supprimer les gobelets, ce qui est souhaitable sur les ravitaillements… 

Et puis après, il y a une autre façon de faire qui est celle que nous, on a choisie. Quand je suis arrivé il y a 10 ans, il y avait déjà une stratégie qui s’appelait « Rethink Sport », repenser le sport. Il y a 10 ans, si on remonte un peu en arrière, c’était donc en 2015, personne ne parlait de ça. Il y avait évidemment des problématiques de RSE et tout le monde commençait à voir poindre les problématiques de réchauffement climatique mais ce n’était pas aussi lourd que ça l’est depuis le Covid. Ce n’était pas que cosmétique, les fondateurs d’OC Sport sont des aventuriers, la nature était leur terrain de jeu, ils ont orienté l’activité là-dessus. 

On a recruté un responsable RSE dans notre boîte à partir de 2021, à ce moment là encore, ce n’était pas le boom qu’on connait. Et pour avoir un responsable RSE dans une boîte où on était à l’époque une trentaine, c’était un investissement hyper conséquent. Et là encore, il a fallu convaincre nos actionnaires que c’était la bonne démarche pour pouvoir accompagner notre développement. Nous avons considéré qu’il fallait d’abord faire en profondeur une stratégie RSE qui soit robuste. Puis, un jour, on a commencé à raconter ce qu’on a fait parce que ça valait la peine. parce que ça valait la peine. Là, on est plutôt dans le temps de la communication, mais avant, on a eu une stratégie qui était hyper dense.

Running, voile, triathlon, grands espaces et événements hors du commun. OC Sport a racheté il y a quelques mois les « 24 heures du Mans Vélo ».
Concrètement, quelles sont vos actions ?

On a considéré
 qu’il y avait un pilier de réduction carbone avec une vraie trajectoire qui a été faite par Carbone 4 et sur laquelle on travaille avec 100% de nos événements qui sont aujourd’hui audité en bilan carbone pour pouvoir mesurer cette trajectoire et voir si elle est conforme à nos attentes.
On a un gros pilier de communication dans tous nos événements où on accorde une part de voix à des institutions et à des ONG qui sont là pour faire de la pédagogie et de la promotion des initiatives durables et responsables. Et puis enfin, on a changé et c’est peut-être ce que font plus les autres, c’est qu’on a changé aujourd’hui dans nos pratiques beaucoup d’éléments qui sont peut-être parfois pas visibles mais qui contribuent.

Par exemple, on supprime dès que c’est possible tous les chauffages au fioul qu’on a sur nos événements. On a du chauffage électrique parce que quand on peut se raccorder à l’électricité, on le fait. On a supprimé toutes nos bouteilles en plastique depuis 10 ans sur les ravitaillements de nos marathons. On a supprimé les moquettes et les tissus qui sont sur les parois de nos villages parce qu’on sait que c’est pas recyclable. On a des initiatives 100% végétariennes sur les opérations traiteurs qu’on fait pour ces sports.

Ne faudrait-il pas un label RSE commun à tous les organisateurs ?

Oui, absolument. Et honnêtement, on a un peu défriché. Quand on a communiqué sur le carbone, c’était en 2018 et on avait dit qu’on serait neutre en carbone d’ici à 2030. Sauf que neutre en carbone, aujourd’hui, on sait que ça n’existe plus. Donc, quand on l’a fait, on pensait que c’était possible. Et puis, en cours de route, on s’est rendu compte que ce n’était pas possible donc on a modifié ça. Tout le monde avance au fur et à mesure en apprenant sur ces sujets. Effectivement, il n’y a pas de label qui dit vous êtes bas carbone ou vous ne l’êtes pas.

Il y a une trajectoire qui est la trajectoire de Paris qui est le plan bas carbone français et qui donne une base. On s’est greffé sur ça et nous avons demandé à Carbone 4 de décliner notre trajectoire.

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