Rugby – « C’est pas un one shot » : Hummel débarque en Top 14 avec le MHR, le directeur marketing de la marque se confie

Michaël Didier.

Hummel veut s’imposer dans le rugby français. Déjà bien ancrée dans le hand et le foot, la marque au bourdon vient de devenir l’équipementier du MHR (Top 14). La firme danoise assume une stratégie de diversification assumée. Entretien avec Michael Didier, directeur marketing.

« Oui, en France, on a longtemps été identifié comme une marque de handball. On est toujours spécialiste du handball. Ça, il n’y a pas de problème. Par contre, aujourd’hui, notre souhait, c’est vraiment d’être l’équipementier de toutes les équipes. » Michael Didier, directeur marketing chez Hummel, pose le décor. La marque au bourdon vient d’ailleurs de débarquer en Top 14, en devenant l’équipementier du Montpellier Hérault Rugby (MHR). Comment cela s’est goupillé ? S’agit-il d’un coup d’essai ou d’une stratégie sur plus long terme ? Éléments de réponse.

SSB : Pour commencer, pouvez-vous nous parler rapidement de la marque Hummel ?

Michael Didier : Alors, Hummel, c’est une marque qui est plus que centenaire maintenant. Elle est née par le foot. On a peut-être tendance, en France en tout cas, un peu trop vite à l’oublier. C’est une marque, née à Hambourg, qui fait partie des inventeurs de la chaussure crampons.

Grâce à la chaussure, on a été rapidement dans le foot et le handball. Ensuite, la marque s’est plus globalement développée dans différents sports collectifs dès les années 60, 70, 80 avec le début de cette logique de sponsoring. 

On a toujours eu des sponsorings dans le foot, dans le handball ou dans d’autres sports. Tout ça pour dire qu’on a toujours eu ce background d’équipementier sportif, plutôt spécialisé sport collectif. Aujourd’hui, c’est ce qu’on cultive et c’est ce qu’on met aussi en avant. Oui, en France, on a été longtemps identifié comme un spécialiste du handball, comme une marque de handball. On est toujours spécialiste du handball. Ça, il n’y a pas de problème. Par contre, aujourd’hui, notre souhait, c’est vraiment d’être l’équipementier de toutes les équipes. 

À partir du moment où un club veut arborer ses couleurs, défendre une certaine identité, nous, on a le matériel et le textile nécessaire pour ça. Alors, pas dans tous les sports, bien sûr. On ne va pas faire de maillot de bain, de kimono, de produits très spécifiques qui ne sont pas dans notre univers. Par contre, on a les survêtements, la bagagerie, les accessoires pour accompagner ce type de club. En fait, c’est vraiment le message qu’on aujourd’hui. On est une marque globale. Notre but est de pouvoir accompagner les clubs sur et en dehors du terrain.

On n’essaie pas non plus de faire de l’appropriation culturelle.

SBB : Combien de clubs Hummel accompagne en France ?

M.D : Aujourd’hui, on accompagne environ 35 structures professionnelles, clubs et fédérations, tous sports confondus. Il y a désormais un bon équilibre entre le foot, le hand et les autres sports.

Dans le foot, on équipe par exemple Saint-Etienne depuis 2022, Dunkerque depuis cette saison, Valenciennes, mais aussi Concarneau, Orléans, Quevilly-Rouen Métropole (QRM), même si ce sont des clubs qui oscillent entre Ligue 2 et National. Hummel équipe aussi Bordeaux depuis cet été. Le but, c’était d’être à la base de ce projet de reconstruction des Girondins.

SBB : Hummel a débarqué dans le sponsoring rugby cet été. C’est une première ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

M.D : Une première, non, parce qu’on était déjà partenaires d’Agen (Pro D2, NDLR) depuis 2022. En revanche, c’est une première en Top 14. Ce choix a été motivé par notre vision d’ouverture. Aujourd’hui, le rugby reste un sport incontournable dans le paysage du sport français. Il est le deuxième sport collectif le plus diffusé. Pour développer la marque, illustrer aussi notre discours d’ouverture, de diversification, le rugby était un passage incontournable. Effectivement, culturellement, on n’associe pas forcément Hummel avec le monde du rugby, c’est clair.

On n’essaie pas non plus de faire de l’appropriation culturelle. On se positionne en tant qu’équipement sportif. On est à même de pouvoir répondre à une équipe de sport collectif, peu importe le sport que ce soit.

Tout ça mélangé fait qu’aujourd’hui, il y avait cet appétence-là. Avant que ça dégringole, Hummel avait travaillé avec les Wasps (club anglais, NDLR), mais aussi des clubs de rugby à XIII. La marque avait fait quelques incursions dans le rugby. 

SBB : Peut-on parler de stratégie internationale ?

M.D : Non, parce que c’est un sport très régionalisé en Europe. La France étant un des pays les plus dynamiques et importants dans ce sport-là, c’était un passage incontournable. Il fallait qu’on y entre. Après, on savait très bien qu’on devait apprendre les choses. Notre but n’était pas de débouler, signer des clubs, et puis faire comme si on était des nouveaux spécialistes du rugby. Donc, on a eu l’opportunité de pouvoir commencer avec Agen. Et c’est vrai que, durant ces trois dernières années, on a pris de l’expérience ensemble sur les habitudes, sur les besoins produits, sur la culture du sport. On a appris, on a adapté notre offre grâce à eux durant ces trois années.

Et le but, après tout ça, c’était de passer à l’étape supérieure en participant au meilleur du rugby français et potentiellement aussi européen en visant un club en Top 14. C’est ce qu’on a réussi à mettre en place avec le MHR à partir cet été.

Chez Hummel, on aime bien se positionner un peu différemment, faire des choses qui ont un peu de caractère

SBB : Justement, comment s’est dégoupillé cette association ?

M.D : Eh bien, il y a eu une logique d’appels d’offres. Le MHR était sur une fin de cycle avec leur équipementier de l’époque, Le coq sportif pour ne pas les solliciter. On est assez rapidement rentrés dans la boucle via notre partenaire Intersport, qui est déjà très ancré au sein du club. Ça a été des discussions et des négociations assez classiques. 

Pour le club, c’est une opportunité de pouvoir se démarquer, de pouvoir être l’équipe numéro une auprès de l’équipementier et d’avoir aussi un suivi particulier. Le club a apprécié l’accompagnement marketing qu’on pouvait mettre en place et qu’on faisait déjà en prenant l’exemple sur les clubs de foot qu’on avait.

C’est un ensemble de points qui fait que ça matchait bien, qu’on avait aussi la capacité d’être réactifs par rapport au lancement du partenariat qui, du coup, du fait des déboires du coq, a commencé un an plus tôt que ce qui était envisagé. On avait aussi cette capacité de réactivité et de pouvoir répondre à un besoin que tous les équipementiers ou marques ne peuvent pas faire plus pour des logiques de process ou d’organisation. En cumulant l’ensemble de ces points, tout était réuni pour qu’on puisse commencer une nouvelle aventure ensemble.

Jean-François Hugues (Intersport), Fulgence Ouedraogo (MHR) et Valentin Porte (ambassadeur Hummel). Crédit photo : @MHR

SBB : Pourquoi avoir choisi Montpellier ?

M.D : Ce qui était intéressant, c’est que c’est un club jeune dans le paysage du rugby français. Il y a cette logique de ne pas forcément respecter certains codes ou certaines traditions. On a apprécié leur vision qui était de vouloir proposer quelque chose d’assez moderne. Je ne dirais pas novateur, parce que là, ce n’est pas l’objet. Très humblement, on ne va pas révolutionner le rugby, ni le partenariat rugby. Le but était de pouvoir insuffler une nouvelle dynamique.

Le club de Montpellier était plutôt réceptif à ça et volontaire dans la démarche. C’est un club aussi particulier, avec sa jeunesse et les personnes qui sont en son sein. Chez Hummel, on aime bien se positionner un peu différemment, faire des choses qui ont un peu de caractère, où les choses sont dites, où les choses sont assumées.

Le but est vraiment d’installer la marque dans le paysage durablement et dans la continuité de ce qu’on fait dans les autres sports.

SBB : Est-ce une opportunité ponctuelle ou le début d’une implantation plus durable dans le rugby ?

M.D : Non, il y a une vraie logique. La question a du sens. Ce n’est pas un « one shot ». On a repris une certaine dynamique il y a maintenant deux, trois ans dans le foot. On s’est installés, notre volonté était de développer la marque et on a pu contractualiser différents types de clubs pour illustrer et crédibiliser notre discours et ce qu’on met en place.

Le rugby, c’est la même chose ! Effectivement, je le disais avant, on a commencé avec Agen pour apprendre et accompagner leur projet. Là, on passe à un palier supérieur avec le MHR. On pourrait comparer finalement avec le foot quand on a signé Saint-Etienne, il y a trois ans. Après cette signature, on a signé d’autres clubs de suite. Notre logique est là aussi d’apprendre le rugby de très haut niveau en Top 14. Et par la suite, en fonction des opportunités et des projets, essayer d’avoir de nouveaux partenariats avec d’autres clubs de rugby. Le but est vraiment d’installer la marque dans le paysage durablement et dans la continuité de ce qu’on fait dans les autres sports.

SBB : Hummel est pour l’heure très identifiée hand et foot. Comment la marque va tenter de se positionner dans l’univers du rugby ?

M.D : Il va y avoir deux choses : il y a déjà le développement de notre offre produit. Disons une offre produit spécifique à la pratique du rugby. On sait qu’on a encore des choses à mettre en place. On doit compléter notre gamme pour être d’autant plus pertinent et crédible dans cette offre-là. Aujourd’hui, on sait que toute cette partie pro, ce qu’on peut appeler game kit, tout ce qui est tenue de match, on est pertinent. L’offre est très bonne. Il faut qu’on puisse compléter aujourd’hui notre gamme d’entraînement quotidien pour l’ensemble des clubs. Ça nécessite quelques développements produits et de disponibilité. Et puis, il y a aussi par les actions qu’on va pouvoir faire conjointement avec les clubs qu’on a en partenariat pour montrer qu’on est là pour apprendre.

SBB : Comment vous prévoyez d’activer ce partenariat auprès des fans ? Plutôt sur du local, du digital, du développement du retail ?

M.D : J’ai envie de dire les trois. Il y a forcément localement ce qu’on peut faire avec les premiers fans du club, avec Montpellier, sa région, les clubs partenaires alentour, les clubs amateurs partenaires alentour. Ça peut être avec les fans, les jours de match ou plus ponctuellement sur des actions, peut-être plus RSE ou sociétales, qu’on pourrait mettre en place avec le club. 

Il y a aussi forcément cette logique retail par le biais de revendeurs spécialistes. On parlait d’offre-produits pour le pratiquant, mais aussi de l’offre-produits pour du fan wear ou de nouveau ces produits spécifiques rugby via une distribution spécialisée qui aura du coup le discours et qui saura mettre en avant la marque et nos produits vers ce public rugby.

Et évidemment, du digital par le biais, comme on peut le faire déjà un petit peu, de création de contenu spécifique, soit de manière  un peu plus humoristique ou soit juste rentrer en immersion dans le monde du rugby, peut-être avec un œil différent qui est le nôtre.

SBB : Parlons du maillot du MHR. Comment s’est passée la démarche créative ?

M.D : Alors, ça s’est passé comme on le fait nous avec nos différents clubs, tous sports confondus. On est vraiment sur une logique de ce qu’on va appeler de co-construction. Il y a vraiment cette logique de dialogue, d’écoute, qui est très importante pour nous, à la fois pour comprendre les besoins et les attentes, mais aussi pour avancer dans le partenariat de manière générale et dans le développement de ce type de produit.

On sait que c’est un produit qui cristallise, on sait que c’est un produit dont tout le monde parle, qui peut créer des tensions. Tout le monde a son avis, tout le monde a ses goûts. Notre but était d’apporter de la nouveauté et d’être en rupture par rapport à ce que le club avait pu avoir avec son précédent équipementier, mais on a bien noté aussi qu’il y avait des logiques de couleurs, des logiques de symboles qui étaient traditionnels et sur lesquels il ne fallait pas passer à côté. Donc c’était vraiment un échange entre le club et nos équipes créatives pour avancer et arriver aux maillots qu’on a pu dévoiler jusqu’à présent. Sachant qu’il y en a d’autres à venir…

SBB : Vous venez d’arriver, mais comment vous situez-vous dans le marché très concurrentiel des équipementiers du Top 14 ?

M.D : Je me répète, ce n’est pas « un one-shot ». On a cette volonté de pouvoir mettre en place de nouveaux partenariats qui correspondent à la marque et à notre stratégie. Nous, on se positionne comme on se positionne sur les autres sports. On n’est pas là pour proposer une alternative. On est là pour proposer une vraie offre et un vrai accompagnement. 

Aujourd’hui, il y a des marques globales, totales, comme Adidas ou Nike, qui ont la même stratégie et positionnement dans les autres sports, et principalement le foot. Elles ont en parallèle des clubs qui correspondent à leur positionnement et à un certain type de moyens. On ne s’est jamais vraiment mis en frontal avec ces marques-là. On est là, on a une offre qui permet de répondre de manière très pertinente aux besoins des clubs. Après, est-ce qu’on va se retrouver sur les mêmes appels d’offres ? Plus tard, sûrement. Et on n’aura aucun complexe à rentrer dans la bataille et à faire valoir nos arguments. Il y a des moments où on va sûrement en gagner, d’autres où on va perdre. 

SBB : Pour conclure, parlons d’avenir. Avez-vous avez l’ambition de vous impliquer dans d’autres segments du rugby ? Rugby féminin, rugby féminin, équipes nationales ?

M.D : Mon petit doigt me dit qu’on est pas loin de revenir dans le rugby à XIII. Ce sera avant la fin de l’année. On va compléter notre pôle rugby avec une équipe de rugby à XIII française. Ca fait partie du développement qui est en cours chez nous. Le rugby féminin, souvent, c’est plus par le biais des clubs qu’on peut avoir, qui ont leur structure et leur équipe féminine. On les accompagne au même titre que les équipes masculines. Je pense, dans un premier temps, que ce sera un focus sur le rugby à XV et XIII. On y aller étape par étape.

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