Dépendance, endettement, isolement… l’enfer du décor des paris sportifs chez les jeunes

Photo Sasha Freemind, Montage Xavier Capelle

 

Ils ont à peine la vingtaine et ont déjà perdu plusieurs milliers d’euros à cause des paris sportifs. Ils sont nombreux mais on ne les entend pas.

On a voulu donner la parole à l’un d’entre eux et s’intéresser aux moyens mis en œuvre pour (tenter de) les accompagner. On entrouvre la porte sur l’enfer du décor.

« Grosse cote, gros gain, gros respect », qu’ils martèlent. Dans la réalité, la formule prend une toute autre tournure. L’expérience excitante du pari sportif peut se transformer en cauchemar. Comme ça, sans prévenir. Pol, un étudiant en droit de 20 ans, a mis un pied dans ce cercle vicieux lorsqu’il était mineur. A force de courage et d’opiniâtreté, il s’en est sorti.

« J’ai commencé à l’âge de 15 ans, au lycée, lâche d’emblée le Messin. Je pariais au bureau de tabac. Au début mes mises n’excédaient pas les 10 ou 20 euros, ce qui est déjà conséquent par rapport à l’argent que je pouvais me permettre de perdre. »

« Le début des mensonges »

Les mois, les années passent et Pol s’enlise. « Au départ, je n’imaginais pas que je risquais de devenir dépendant et de perdre la notion à ce point, je pensais sincèrement pouvoir gagner de l’argent et ne me doutais pas que je risquais de perdre totalement le contrôle » concède-t-il. « Mais cela avait bien un impact sur mon quotidien. Le jeu était le début des mensonges. Je cachais mes pertes à mes parents, amis et proches par honte. Le fait de perdre et de ne pas réussir à en parler me faisait me renfermer sur moi-même, je ressentais un très gros sentiment de culpabilité et de honte. »

« Je pense avoir perdu au minimum 3 000 ou 4 000 euros, peut-être beaucoup plus. Je ne préfère pas savoir »

Comme bon nombre d’addicts, le lycéen ne parle que brièvement de ses problèmes. Il montre à ses proches ses gains pour les rassurer mais cache les pertes, nombreuses et conséquentes. Difficile de les estimer d’ailleurs. « Je pense avoir perdu au minimum 3 000 ou 4 000 euros, peut-être beaucoup plus. Je ne préfère pas savoir, je regrette tellement. »

Mais Pol a des ressources, plus mentales que financières. Après avoir réduit ses mises, il décide, de son propre chef, de s’auto-exclure des sites de paris sportifs – fonctionnalité que les bookmarkers sont désormais obligés de proposer.

Fier de son geste, le Lorrain trouve aujourd’hui en Twitter un confessionnal. Il y raconte son calvaire éreintant, et ses tourments. Il y trouve un soutien insoupçonné et découvre qu’il n’est pas seul dans cette douleur. Et même, il se mue en exemple pour certains qui envisagent de l’imiter.

 

70% des joueurs sont des hommes de moins de 35 ans

Des cas comme Pol, il en existe des centaines, des milliers. La plateforme numérique de l’association « SOS joueurs » regorgent de témoignages de jeunes en détresse.

L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) en a fait son cheval de bataille. Dans les chiffres, ils sont évidemment les plus nombreux à miser. Au 1er trimestre 2021, l’ANJ recensait 2,5 millions de comptes joueurs actifs en France. 70% d’entre eux sont des hommes de moins de 35 ans. Colossal !

« On appelle tous les opérateurs à avoir une vigilance toute particulière sur le ciblage des jeunes adultes puisqu’il est clair qu’ils constituent une population extrêmement vulnérable » nous précise Morgane Austruy, chargée de lutte contre l’addiction à l’ANJ.

Des pubs, tout le temps et partout 

Encore plus qu’à l’accoutumée, avec l’Euro de football 2020 version 2021, les bookmakers ont investi notre environnement, qu’on le veuille ou non.

Dans la rue, sur nos écrans, dans nos journaux… les publicités pullulent. Impossible de les éviter. A la mi-temps des matchs, c’est le défilé. Les sites de paris sportifs défilent avec la ferme intention de prouver aux téléspectateurs qu’ils ont la plus grosse… cote !

Photo Thibaut DALEGRE

Et leur stratégie s’avère particulièrement bien rodée. Leur cible est désormais clairement identifiable : les jeunes urbains, issus des quartiers populaires. Les codes de cette tranche de population sont maniés avec justesse. Des slogans comme « Betclic khalass » (Betclic régale, en arabe) ou « Tout pour la daronne » (Winamax) sont finement glissés à l’oreille du parieur.

Une publicité Winamax, diffusée depuis un an, en est peut-être l’exemple le plus criant. On y voit un jeune de quartier élevé au rang de roi. Au sens propre puisqu’il est porté comme Simba dans le Roi Lion et adulé par ses pairs, genou à terre. La raison ? Il a gagné un pari, rien que ça.

« Nous sommes très vigilants sur la publicité » ajoute Morgane Austruy. « Nous disposons de nouveaux pouvoirs qui nous permettent d’approuver les stratégies promotionnelles des opérateurs. On peut par exemple demander le retrait des communications commerciales qui constitueraient une incitation à la pratique excessive de jeu. On réfléchit aussi aux questions de l’exposition des mineurs et la mise en avant excessive des bonus ».

Morgane Austruy, chargée de lutte contre l’addiction à l’ANJ. (Photo : ANJ)

Sur les réseaux sociaux, cette hyper visibilité des opérateurs a même été dénoncée avec l’apparition du hashtag #Nobetnodette.

La mécanique, bien huilée, est la même chez tous les autres opérateurs. Journalistes de sport et consultants en sont même devenus les égéries ces dernières années.

« On a aussi décelé un recours de plus en plus important aux influenceurs et aux placements produits dans des clips de rap par exemple. C’est assez problématique. » Dernier opérateur arrivé dans le « game », Partouche a sorti l’artillerie lourde en faisant appel à des candidats de télé-réalité pour toucher sa cible en plein cœur.

La « chasse aux sorcières » est lancée

« On est aussi extrêmement vigilant au phénomène exponentiel des tipsers (nom donné aux particuliers qui proposent leurs pronostics sur les réseaux, ndlr) » ajoute Morgane Austruy. « Ils véhiculent trop facilement cette idée que l’on peut gagner sa vie grâce aux paris sportifs. C’est ce que l’on appelle les croyances erronées sur lesquelles nous on agit. On préfère promouvoir un modèle de jeu récréatif. »

L’Autorité Nationale des Jeux pourrait imiter ceux qu’elle surveille. Elle l’a déjà fait en février dernier avec le journaliste Hugo Décrypte (1 million d’abonnés sur Instagram), très côté auprès du jeune public.

« On doit éviter les actions de communication trop institutionnelles », avoue Morgane Austruy. Finalement, il faudrait à l’ANJ une vidéo avec Mc Fly et Carlito pour être pleinement efficace. C’est à la mode en ce moment. « C’est complètement ça. Ce type d’initiatives a vocation à se développer, d’autres vont arriver très vite ».

Des opérateurs impliqués dans la prévention

Malgré le côté sombre, soulignons que les opérateurs de paris sportifs prennent également la parole sur les thématiques de la prévention et du jeu responsable.

FDJ par exemple et sa marque ParionsSport proposent notamment des tests d’évaluation de la pratique de jeu en ligne et en point de vente. L’opérateur propose également un outil de suivi du comportement des joueurs en ligne avec « Playscan », permettant d’informer les joueurs sur leur pratique de jeu et de les sensibiliser via des alertes. FDJ est également (pour le moment ?) le seul à communiquer en TV sur l’interdiction du jeu des mineurs. Chaque année, 10 % des investissements publicitaires FDJ en TV sont dédiés à des campagnes de prévention du jeu excessif ou du jeu des mineurs.

FDJ a ainsi diffusé durant l’Euro 2020 une campagne de prévention sur l’interdiction des paris sportifs pour les mineurs. En complément, une vidéo de prévention sur le jeu excessif, signée par l’influenceur Julien Ménielle, a été diffusée sur les réseaux sociaux.

Alors, les paris, c’est avec modération. Et on évite les combinés à 10 matches qui perdent sur une défaite du PSG à domicile cotée à 1.09.

 

 

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